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La Meta

Vue du hameau de la Meta

Le ciámbrico était l'argot des ouvriers journaliers (It. braccianti) originaires d'un hameau du nom de La Meta situé sur les hauteurs de la commune de Civitella Roveto près d'Avezzano dans les montagnes des Abruzzes au centre de l'Italie.

Nous ne disposons malheureusement pas à ce jour, d'informations plus précises sur le type de travaux journaliers réalisés par ces braccianti de La Meta. Ils ont pu éventuellement travailler non loin de là, dans le bassin du lac Fucin, qui après son assèchement définitif en 1859, est petit à petit devenu un immense site de cultures et de plantations agricoles.

L'argot de La Meta semble fournir quelques informations sur l'origine de ceux qui l'employaient à la base, puisqu'il se rattache à la même famille que les argots des chaudronniers de Monsampaolo del Tronto et de Force dans les Marches, de Vico Pancellorum en Toscane, de Guardiagrele, également dans les Abruzzes, de Dipignano en Calabre, mais aussi d'Isili en Sardaigne, ou encore de Tramonti dans le Frioul, avec qui il possède un fond lexical commun caractérisé notamment par des emprunts à la langue grecque, à l'Albanais ainsi qu'à la Romani. Le fait de travailler dans la chaudronnerie pourrait laisser supposer qu'il s'agissent de restes d'anciennes populations roms établies en Albanie, qui auraient suivi les migrations des Arbëresh vers l'Italie suite aux invasions ottomanes. À La Meta, la chaudronnerie a probablement été pratiquée autrefois et ces travailleurs se seraient tardivement reconvertis à des travaux journaliers dans la province, mais aucune attestation n'a encore pu en faire foi.

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Formation des mots[]

Le ciámbrico est un argot intéressant d'une part, du fait qu'il se rattache, comme il vient d'être vu, à la famille mixte et dispersée des argots des chaudronniers italiens. Mais il est aussi d'un intérêt non négligeable du point de vue de la formation de certains termes composés, qui sont en fait exprimés par une véritable définition plutôt que par l'emploi d'un terme qui le caractérise comme cela se fait généralement dans tous les argots.

Cette particularité mérite d'être vue en détail, car le ciámbrico va relativement loin dans le caractère descriptif tout en reste vague du fait de l'emploi d'un nombre restreint de termes. Un mot important est le verbe affiná, qui en soi, est un verbe à tout faire auquel il serait fort difficile de donner une traduction, mais il est en tout cas souvent utilisé comme verbe d'état (être) ou pour signifier un procédé d'élaboration (faire, se faire, être fait) ou encore une localisation (se trouver). Ainsi par exemple, le mot four se dit "addó s'affina la tèmbera" c'est-à-dire "là où l'on fait le pain". L'utilisation des mots argotiques affiná et tèmbera (pain) ne permettant pas d'en comprendre le sens, pourtant clairement exprimé. Le verbe affiná possède ainsi tout une série de verbes dérivés (ex.: affiná i bbálli, employé avec le mot "argent" soit, payer ; voir d'autres exemples dans le lexique), à la manière du verbe romani ker (faire), qui sert facilement à dériver un verbe depuis un substantif (ce trait est commun à toutes les langues indo-iraniennes).

Puis, le nciámbrico fait un usage redondant de l'adjectif cálio (bon) et de son antonyme scálio (mauvais), ou encore leurs superlatifs calióno et scalióno. Ces épithètes sont ajoutés à des mots communs pour en créer des dérivés en se basant sur une appréciation simple qui divise le monde en deux concepts : ce qui est bien et ce qui est mal. Ainsi sur le mot lènda (eau), nous trouvons le dérivé lènda caliòna qui signifie "lait", "huile" ou encore "liqueur" en soulignant leur caractère essentiel par l'emploi de la forme superlativée ; son antonyme est ensuite lènda scália avec le sens de "pluie", "neige", "grêle" voire même "urine".

Un autre procédé d'association de mots intéressant se retouve avec les mots cocciósa et ndrúa employés pour désigner des objets de genre féminin, et leurs équivalents cocciúso et ndrúo pour désigner des objets de genre masculin. Ceux-ci sont ensuite suivis d'une allusion à leur utilisation, afin de les différencier. Les dérivés construits sur les termes cocciósa et cocciúso se rapportent plutôt à des contenants alors que les composés de ndrúa et ndrúo se réfèrent à des outils ou des ustensiles. Ainsi les oeufs sont les coccióse caliòne delle pollóse ou, che affínano le pollose, c'est-à-dire les "bien bonnes choses que font les poules" ; et une plume pour écrire était appelée cocciósa caliòna che se ge ngúpano le iéppese, en d'autres termes un "bon objet qui sert à travailler les mots".

Ce genre de compositions permettait d'exprimer toute sorte de concepts avec un certain humour et dans un contexte basé sur une division basique du monde, avec une fréquente oppositions entre le bien et le mal, des références sur l'utilité et l'emploi des objets et une approche généralement plus floue avec une synonymie poussée laissant le contexte être le seul à définir le sens exact de certaines expressions.

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Emprunts[]

Le nciámbrico révèle des emprunts à des langues originalement parlées outre-adriatique, mais également sur le territoire italien, comme il a été dit, et notamment :

  • Emprunts à la langue grecque (résultat probable de contacts avec les griko, minorité hellénophone établies dans quelques localités du Sud de la côté adriatique) :
    • cálio, F. cália (bon, bonne), de l'adjectif καλός, de même sens
    • scálio, F. scália (mauvais, -e), dérive également de καλός, mais avec le préfixe privatif s- provenant du ex- latin et d'emploi courrant dans toute l'Italie.
    • rasía (vin), dérive de κρασί, de même sens
  • Emprunts à la langue albanaise (produit de la cohabitation de populations roms et albanaises (Arbëresh) dans le Sud de l'Italie, notamment en Calabre) :
    • ddússo, F. ddússa (chien, chienne), de dosë, qui signifie "merde", probablement relatif à la saleté de l'animal (Cf. dans l'argot d'Isili le mot dòssu signifie "cochon").
    • diásso (fromage), de djathë, de même sens (tiàsu à Isili)

La présence d'emprunts au Grec et à l'Albanais semble indiquer que l'argot de La Méta proviendrait à l'origine d'une région située plus au Sud dans la Péninsule, où sont établies des minorités de langues grecque et albanaises, notamment en Calabre.

Lexique[]

  • addó s affína la tèmbera - four [lit. "là où l'on fait le pain"]
  • addó s affínano le cambáne cálie - lit
  • affiná -V. verbe à tout faire
    • affiná i bbálli - payer
    • affiná la lènda scália - pleuvoir ; pisser
    • affiná la triòrfa aľľo caicchíto - allaiter un enfant
    • affiná le cambáne cálie - dormir
    • affiná le iéppese scálie - insulter ; blasphémer ; jurer
    • affiná le varráte - se disputer ; se battre ; donner des coups
    • affiná le varráte coľľo zzícano - se battre au couteau
    • affiná no caicchíto alla menòzza - femme enceinte (?)
    • affiná paccúto - chier
  • agghieppesá - parler ; faire un discours
  • allinderná - regarder ; voir
  • aneméta - religieuse
  • angupá i bbálli - toucher ; percevoir ; encaisser
  • aucciá - aller
  • bbálli (i) - sous ; argent [Cf. Fr. balles]
  • caliá - aimer
  • cália - important [< Grec]
  • cálio - bon [< Grec]
  • caliòna - puissante
  • calióno - beau
  • camòrgia - tête
  • camorgiáno - chef de bande ; contremaître
  • casperíno - cul ; derrière
  • chiatráta - focaccia
  • chiatráta cália - farine de blé
  • chiatráta scália - farine de maïs
  • ciàmbrico - argot
  • ciaóno - maire ; patron ; personalité
  • cocciósa - récipient (de genre féminin) ; bouteille ; boîte ; hotte ; caisse
    • cocciósa caliòna che se ge ngúpano le iéppese - plume (pour écrire) [lit. "bon objet pour travailler les mots"]
    • coccióse caliòne delle pollóse - oeufs [lit. "bonnes choses des poules"]
  • cocciúso - récipient (de genre masculin) ; étui ; verre ; flacon ; panier
    • cocciúso che affína la lènda - poisson [lit. "objet qui est dans l'eau" (sic)]
    • cocciúso pe ngupá i pollúsi caliúni - peigne [lit. "objet pour travailler les cheveux (bons poils)"]
    • cocciúso scálio - pot de chambre [lit. "récipient mauvais"]
  • cornúta - vache ; chèvre [< It. cornuta, cornue]
  • cornúto - boeuf ; bouc ; bélier [< It. cornuto, cornu]
  • cúrcia - pomme de terre
  • cúrcio - lentement
  • ddúsa - chienne ; garce [< Alb.]
  • ddússo - chien [< Alb.]
  • diásso - fromage [< Alb.]
  • fongosèlla - berret
  • fongúso - chapeau [< It. fongo, champignon + suff. -úso ; relatif à sa forme]
  • iéppesa - mot
  • iéppese cálie - prières [lit. "bons mots"]
  • iéppese scálie - insultes ; jurons ; blasphèmes [lit. "mauvais mots"]
  • lucènde (ío) - soleil ; feu
    • ío lucènde affína pella sandósa - le soleil se lève
    • ío lucènde aúccia alla lènda pell ombrúno - le soleil se couche
  • lanósa - brebis [< It. lana, laine + suff. -osa ; lit. "laineuse"]
  • lanúso - mouton ; berger [masc. de lanósa]
  • lènda - eau ; lac ; mer
  • lènda caliòna - lait ; huile ; liqueur [lit. "eau bonne"]
  • lènda scália - pluie ; neige ; grêle ; urine [lit. "eau mauvaise"]
  • líppo - pénis
  • menèca - femme
  • menèca caliòna - mère ; Madonne [lit. "bonne femme"]
  • menòzza - vagin ; ventre
  • ndrúa - objet ; ustensile ; outil (de genre féminin)
    • ndrúa addó affína casperíno - chaise [lit. "objet où se trouve le cul"]
    • ndrúa addó affína la rasía - tonneau [lit. "objet où se trouve le vin"]
    • landrúe p appiciá ío lucènde - allumettes [lit. "objet pour allumer? le feu"]
  • ndrúo - objet ; ustensile ; outil (de genre masculin)
    • ndrúo addó s affína la verecandòsta - chaudron [lit. "ustensile où se fait la polenta"]
  • négra - truie
  • négro - cochon
  • nganalá - boire
  • ngupá - travailler
  • nvrascá - comprendre
  • ombrúno - soir [< It. fourb. imbruna, soir~nuit]
  • pápara - maison
    • pápara addó affína la rasía - cave à vin [lit. "maison où est le vin"]
    • pápara addó s affína la rasía - boutique où l'on vend du vin [lit. "maison où se trouve le vin"]
    • pápara scália - prison ; cabane [lit. "maison mauvaise"]
  • pilòcco - silence
  • pollósa - poule [< It. pollo, poulet + suff. -osa]
  • pollosèlla - mouche ; abeille
  • pollúsi caliúni - cheveux ; moustache
  • pollúso - oiseau [masc. de pollosa]
  • rasía - vin [< Grec]
  • rasía scália - vinaigre ; jus de raisin [lit. "mauvais vin"]
  • raucciá - retourner
  • recrúda - ricotta [lit. "recrue", para analogie, puisque ricotta signifie "recuite"]
  • ròngiola - religieuse
  • ròngiolo - prêtre ; curé
  • ròngiolo cálio - évêque
  • ròngiolo calíono - pape
  • rusicarèlle - oreilles
  • rusicaréľľi - dents
  • rusicaréľľo - nez
  • sandoláno - cordonnier
  • sándole - chaussures
  • sandóle scálie - vieilles chaussures [lit. "chaussures mauvaises"]
  • sandósa - église ; heure ; journée [< It. santa, sainte - suff. -osa ; lit. "sainteuse"]
  • sandusíľľo - minute
  • sandúso - carabinier ; garde ; représentant de la loi ; année
  • sbelangiá - jeter
  • sbelangiá paccúto - chier
  • scália - laide ; méchante ; mauvaise [< Grec]
  • scálio - laid ; méchant ; mauvais [< Grec]
  • scécco - âne
  • scécco calióno - cheval [lit. "bon-âne"]
  • scribbilèndi - macaroni
  • sgraná - manger [< It. fourb. sgranare]
  • sgranatóra - bouche [< It. fourb. sgranare, manger + suff. -tora ; lit. "mangeuse"]
  • sgraníno - dîner ; repas [< It. fourb. sgranare, manger + dim. -ino]
  • sordarèlla caliòna - anchois
  • stambarellá - marcher ; sauter ; danser
  • stambarèlla - jambe
  • stambarellá scálio~scália - boiter
  • strangèlle - mains ; bras
  • strazzòna - chemise ; veste ; cravate
  • strazzòne - cartes à jouer ; chausses
  • strazzóno - drap ; mouchoir ; foulard
  • strazzóno pella camòrgia - foulard ; voile [lit. "mouchoir pour la tête"]
  • strazzóno peľľo rusicaréľľo - mouchoir [lit. "mouchoir pour le nez"]
  • strazzúni - chausses ; culotte
  • strazzúni caľi - lingerie
  • súrdo caliòno - poisson
  • tèmbera - pain
  • tibbióno - homme
  • tibbióno cálio - patron [lit. "bon homme"]
  • tibbióno calióno - père ; médecin ; Dieu ; Jésus Christ [lit. ·très bon homme"]
  • tibbióno scálio - fermier [lit. "mauvais homme"]
  • trèpesa - terre
  • triòrfa - viande ; sein [< It. fourb.]
  • varráte - coups ; coups de bâton
  • verdósa - herbe ; légumes [< It. verde, verte + suff. -osa ; lit."verdeuse"]
  • verdúso - chou ; artichaud ; tomate ; fruit [< It. verde, vert + suff. -oso ; lit. "verdeux"]
  • verecandòsta - polenta
  • zzícano (ío) - couteau

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